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Samedi et dimanche
L'agonie !

La Commune
La semaine sanglante


Le ciel est encore bas, chargé de nuages, gonflé de pluie, lorsque se lève l'aube grise du samedi 27 mai. C'est le jour de l'agonie, c'est la veille de la mort.
Assaillis de toutes parts, adossés aux Prussiens, les derniers fédérés n'ont presque plus de munitions, ne reçoivent plus de ravitaillement, ne se battent plus que pour mourir.

Le cimetière du Père Lachaise

Les fusillés du cimetière du Père Lachaise
A midi, alors que l'étau se resserre inexorablement, une foule affolée de civils, de femmes, d'enfants tente de fuir par la porte de Romainville. Elle est repoussée par la première barricade prussienne. Les Allemands menacent de tirer dans le tas. L'un d'eux lâche effectivement un coup de fusil. Une femme est blessée.
A 16 heures, le corps d'armée Clinchant est parvenu à encercler le cimetière du Père-Lachaise dans lequel se sont réfugiés 200 fédérés. Leur installation est l'image même du désordre, de l'imprévoyance de la Commune. Ils n'ont rien fait pour mettre l'enclos mortuaire en état de défense. Tout au plus ont-ils étayé la porte principale. Pourtant, les soldats hésitent. Pour porter le coup de grâce, on attend de l'artillerie.
A 18 heures, les Versaillais ont pu amener devant l'entrée du Père-Lachaise l'artillerie nécessaire. Au canon, on abat la grande porte et les troupes s'engouffrent dans le cimetière. Alors, dans le soir qui tombe, un hallucinant combat s'engage entre les tombes. Au fusil d'abord, puis à la baïonnette, puis au couteau. On voit les adversaires, enlacés dans le même combat, dans le même sort, s'abattre dans des fosses fraîchement ouvertes. On débusque des gardes nationaux réfugiés dans des caveaux. Au crépuscule, ils sont encore 147 fédérés qui, encerclés de toutes parts, finissent par se rendre. On les conduit devant le mur du cimetière que leur sang éclabousse au fur et à mesure que retentissent les salves. Il est devenu le Mur des Fédérés.

L'ultime nuit de la Commune

Pour le dernier carré, la nuit du 27 au 28, l'ultime nuit de la Commune, la dernière nuit de la semaine sanglante est commencée. Elle se passe à la mairie du XXe, au milieu des blessés et des mourants, sans médecins, sans médicaments. Il ne reste rien à manger, chaque homme n'a - plus que ses munitions individuelles. Quelques barricades tiennent encore, dans le XXe et le Xle, de part et d'autre du boulevard de Belleville.
Toute la nuit, les Versaillais poursuivent leur oeuvre de nettoyage méthodique et leur progression prudente le long des fortifications, sur la route stratégique. A 4 heures du matin, le corps de Vinoy fait sa jonction avec celui de Ladmirault, à la porte de Romainville. Les derniers fédérés sont désormais encerclés. Ils quittent la mairie du XXe, envahie dès 8 heures du matin. A 9 heures, une colonne versaillaise du corps de Vinoy occupe la prison de la Roquette et libère 150 otages de la Commune: sergents de ville, gendarmes, prêtres. En fait, cette libération aurait pu intervenir à la fin de l'après-midi de la veille, dès l'occupation du Père-Lachaise. Pourquoi ce retard ? Lissagaray en donne une explication: Vinoy « professait la théorie de M. Thiers, qu'il n'y aurait jamais trop de martyrs ».

Des critères de sélection invraisemblables

La répression après la Commune de Paris
Dans tout Paris, la répression continue. On peut même dire qu'elle s'organise, qu'elle va vers son apothéose.
Partout où ont été installés les abattoirs des cours prévôtales, on fusille à tour de bras. En quatre jours, 1907 personnes sont abattues à la Roquette et quelque 400 à Mazas. On amène des flots de prisonniers à qui on ne fait même pas l'aumône d'un jugement. Ils sont triés par des officiers irresponsables qui, au gré de leur fantaisie, désignent ceux-ci pour l'exécution immédiate, ceux-là pour le voyage à Versailles. Les critères de sélection sont invraisemblables. En voyant passer devant lui une colonne de 2 000 prisonniers que l'on dirige vers la cité royale, le général-marquis de Galliffet a une idée lumineuse: « Ceux qui ont des cheveux blancs, sortez des rangs!» ordonne-t-il. Ils sont 111, dont les années ont blanchi la toison. Alors, le général: « Ceux-là, ce sont des quarante-huitards! Qu'on les fusille! »
Les exécuteurs se mettent aussitôt à l'oeuvre sur le bord de la route. Il semble que les troupes aient pris goût au massacre. C'est effectivement une horrible boucherie qui se déroule pendant les jours suivants, excitée, exaltée par les éditoriaux de la presse gouvernementale.
Le lundi 29, M. Thiers en personne vient contempler son oeuvre, acclamé, bien entendu, par la foule puisqu'il est l'homme du jour. Il rentre triomphant à Versailles pour rédiger son célèbre télégramme aux préfets: « Le sol est jonché de leurs cadavres. Ce spectacle affreux servira de leçon ! »
Cela dure jusqu'au 2 juin et là, il faut enfin arrêter la boucherie car un nouveau danger menace Paris: la peste. Cela paraît incroyable, avec cent ans de recul, mais lorsque commence le mois de l'été de 1871, Paris est un immense charnier. Des mouches charbonneuses tourbillonnent autour des cadavres ou des fosses à peine refermées et pas assez profondes. On s'inquiète à juste titre et, à Versailles, un journal écrit: « Il ne faut tout de même pas que ces misérables, qui nous ont fait tant de mal de leur vivant, puissent nous en faire encore après leur mort. »
Alors, on réquisitionne les passants au hasard pour leur faire charrier les morts. On en entasse 1 500 dans une fosse commune à Ivry, on en enfouit dans les tranchées du siège, on improvise des fosses à chaux vive, on installe un bûcher aux Buttes-Chaumont pour les trois cents cadavres qui avaient été précipités un peu légèrement dans le lac: quelques jours plus tard, ils ont eu le mauvais goût de remonter à la surface, ballonnés de gaz délétères.

La dernière barricade de la Commune

La dernière barricade de la Commune
Les derniers membres de la Commune courent désormais de barricade en barricade, au fur et à mesure qu'elles cèdent. Rue Rebéval, rue Ramponneau, faubourg du Temple, rue des Trois-Bornes, boulevard de Belleville, rue de la Fontaine-au-Roi.
Cette dernière barricade est la plus haute, la plus redoutable. C'est là que se trouve le dernier canon de la Commune. Les troupes versaillaises ont grand-peine à tourner cette tenace forteresse. Ils l'attaquent finalement avec l'artillerie. Derrière leurs remparts, les fédérés tirent leurs derniers obus, leurs dernières balles, avant d'être faits prisonniers ou de prendre la fuite, pour les plus chanceux. Il est alors 13 heures. Après le tumulte, le vacarme dont Paris résonne depuis une semaine, un terrible, un angoissant silence s'abat sur les quartiers irréductibles, sur Belleville, sur Saint-Ambroise, sur la Folie- Méricourt.
C'est le dimanche de la Pentecôte, le plus beau dimanche qu'aient connu, depuis le 18 mars, les « bons citoyens ». Les colleurs d'affiches sont déjà à l'oeuvre pour placarder la proclamation du maréchal de Mac-Mahon: « L'armée de la France est venue vous sauver. Paris est délivré. Nos soldats ont enlevé les dernières positions occupées par les insurgés. Aujourd'hui, la lutte est terminée. L'ordre, le travail et la liberté vont renaître. »
Pas pour tout le monde... La Commune est morte. La route de Versailles est encombrée de joyeux « émigrés » qui viennent contempler son cadavre. Les boulevards grouillent d'une foule de héros qui se vantent d'avoir mené le bon ombat.
bas
Le 25 mai, les fusillades se multiplient. Delescluze tombe sur une barricade. Louise Michel se bat avec l'énergie du désespoir à Montmartre. Le 26 mai, les fédérés exécutent quarante-sept otages, des prêtres, des séminaristes et des gendarmes. Le 27 mai, les Versaillais investissent le cimetière du Père-Lachaise occupé par des centaines de fédérés, dont beaucoup de blessés.
Tous sont exécutés.
Le 28 mai, vers onze heures, Belleville se rend. À quinze heures les combats prennent fin, et Mac-Mahon peut déclarer : « Paris est délivré ! » À quel prix !
Des enfants de cinq ans ont été alignés contre un mur, et fusillés ! Des femmes et leurs bébés au sein sont tombés sous les balles ! Les passants qui portaient des vêtements, des chaussures rappelant la couleur des fédérés ont été massacrés. Dans les hôpitaux, les Versaillais ont tué au fusil, à la baïonnette ou au couteau les blessés, les malades, hommes, femmes, enfants, vieillards. Plus tard, l'un des massacreurs aura cette excuse facile et dérisoire :
« On était comme fous ! »